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Discours de Sa Majesté la Reine à la session d’ouverture des Journées européennes du Développement

18 juin 2019

(Discours prononcé en anglais et en français)

L’urgence de prendre des mesures concrètes pour mettre en œuvre l’Agenda 2030

Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Il y a quatre ans, en novembre 2015, la communauté internationale s’engageait de commun accord à mettre en œuvre l’Agenda 2030 des Nations Unies. L’ambition de cet Agenda est de concilier les aspects économiques, sociaux et environnementaux du développement, afin d’en assurer le caractère durable, mais aussi de créer des sociétés plus justes et plus stables. Cet Agenda a une portée universelle. Il préconise une véritable transformation de nos modèles, qui prenne en considération les limites planétaires et la nécessité de mettre fin aux injustices et aux discriminations.

Aujourd’hui, les premières observations sur la mise en œuvre des Objectifs du Développement durable sont disponibles, même si les données demeurent parcellaires. Des progrès ont indubitablement été accomplis. L’extrême pauvreté et la mortalité infantile sont en baisse. Globalement, les filles n’ont jamais été aussi nombreuses à fréquenter l’école et le nombre des mariages précoces est en recul. Dans le monde entier, le nombre de personnes vivant dans des bidonvilles s’est réduit et l’accès à des installations sanitaires et à l’électricité s’est accru. Les zones de protection marine sous juridiction nationale se sont multipliées. De nombreux Etats, mais aussi des pouvoirs locaux, des entreprises, des universités, des associations et des organisations non gouvernementales, des jeunes se sont emparés des objectifs pour en faire le cadre de leurs stratégies ou de leurs actions.

Mais le Secrétaire général des Nations Unies convoque cet automne à New York deux importants Sommets : l’un consacré au climat, l’autre aux Objectifs du Développement durable. Son analyse est que les progrès dans la mise en œuvre des Objectifs du développement durable sont trop lents et que les avancées sont trop disparates pour atteindre l’ensemble des objectifs d’ici à 2030.

En effet, dans certains domaines, une importante proportion de la population reste à l’écart des progrès; dans d’autres, le rythme des améliorations faiblit et des tendances jusqu’à présent positives s’inversent, par exemple en matière d’accès à l’eau potable.  L’évolution préoccupante en matière de réchauffement climatique, de perte de la biodiversité, d’exploitation des ressources naturelles compromet la réalisation des autres objectifs. Si chaque objectif pris individuellement permet de focaliser les efforts, le succès de chacun d’eux dépend aussi de la mise en œuvre intégrale et cohérente des 17 objectifs. Il est urgent de mettre en œuvre les engagements auxquels la communauté internationale a souscrit.

L’objectif 10 – réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre – qui nous occupe aujourd’hui, couvre un champ très vaste : réduire le fossé entre les plus aisés et les plus démunis, promouvoir l’inclusion dans la société des groupes marginalisés, mettre fin aux discriminations de tous ordres, créer des filets de sécurité pour les plus pauvres.

Il traduit aussi l’un des principes fondamentaux de l’Agenda 2030, « Leaving no one behind ». Personne ne doit être laissé pour compte, chacun doit être pris en considération.

Mais la réduction des inégalités est inscrite en filigrane dans tout l’Agenda 2030, car celui-ci a aussi pour but de réduire la pauvreté, d’éliminer la faim, de garantir à tous la santé et le bien-être.

Un accès égal à une éducation de qualité, la création d’emplois de qualité, et l’abolition du fossé qui sépare encore trop souvent hommes et femmes en termes d’opportunités, de revenus, de pouvoir de décision, font aussi partie de ses objectifs.

En tant que Défenseur des Objectifs du Développement durable des Nations Unies, je ne puis donc que me réjouir de voir le thème de la lutte contre les inégalités inscrit au cœur de ces Journées européennes du développement.

Le large échange que vous vous apprêtez à engager sur leurs causes, sur leurs dimensions multiples, sur les raisons de leur perpétuation, ainsi que sur les politiques nécessaires pour y remédier, est d’une grande actualité : ne pas s’attaquer rapidement aux inégalités risque de compromettre la mise en œuvre de tout l’Agenda 2030.

Dans de nombreux pays en développement, la différence continue de s’accroître entre les revenus les plus bas et ceux, de plus en plus élevés, d’une petite minorité de la population, une situation qui augmente le sentiment d’injustice et qui alimente souvent les rancœurs. 

Très souvent, les inégalités se cumulent: être femme en milieu rural, dans un pays pauvre ou en conflit, réduit d’emblée vos chances, qu’il s’agisse d’accès à l’eau, d’éducation, de santé maternelle, de revenus. Les populations les plus pauvres sont les plus démunies face aux catastrophes naturelles, souvent liées au changement climatique. Tout le monde se souvient des deux cyclones qui ont récemment frappé le Mozambique. 

Les personnes les plus vulnérables sont victimes d’une accumulation d’inégalités, qui affectent parfois leur vie entière. La malnutrition aiguë dès la petite enfance produit des conséquences dramatiques sur la croissance physique et sur les capacités intellectuelles.

L’impossibilité d’accéder à un enseignement de qualité mine les perspectives de développement personnel, familial et sociétal. Souffrir de maladie mentale relègue des hommes et des femmes aux marges de la société, les coupe de leur famille, de leur travail, de leur communauté.  De plus, si des mesures appropriées ne sont pas mises en place, ces inégalités risquent de se perpétuer de génération en génération.

Pour mettre fin à ces multiples cercles vicieux, les effets bénéfiques de la croissance économique doivent atteindre les personnes et les groupes défavorisés, grâce à des mesures ciblées et innovantes, qui prennent en considération leur situation spécifique et qui brisent l’indifférence et les discriminations.

Dans cette perspective, une attention particulière doit être réservée aux jeunes femmes et aux jeunes hommes, citoyennes et citoyens de demain, dont l’horizon en termes d’emploi et d’insertion reste pour le moins incertain.

Un défi supplémentaire consiste à associer étroitement les personnes et les groupes concernés à l’élaboration des solutions qui leur permettent de faire partie d’une société inclusive.

Je vous souhaite des échanges fructueux au cours de ces deux journées, en gardant à l’esprit que permettre à chacun de vivre dans la dignité, à l’abri de la peur et du besoin, traverse comme un fil rouge l’Agenda du développement durable des Nations Unies. 

 

 

Seul le prononcé fait foi.