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Discours de Sa Majesté le Roi des Belges au banquet d’État offert par Son Excellence Katerina Sakellaropoulou, Présidente de la République hellénique, Manoir présidentiel, Athènes

2 mai 2022

Madame la Présidente,

La reine Mathilde et moi vous remercions sincèrement pour votre invitation à nous rendre en Grèce.

Cet après-midi, au moment de saluer la mémoire de votre Soldat inconnu, nous avons ressenti à quel point cet endroit était chargé d’histoire. « Les hommes éminents ont la terre entière pour tombeau » dit l’inscription sur le mur du monument, tirée de l'oraison funèbre prononcée par Périclès, comme Thucydide en fait le récit dans son œuvre « La Guerre du Péloponnèse ». On découvre, à côté de cette inscription, tous les lieux de bataille où la Grèce et la Belgique ont défendu côte à côte les valeurs de liberté et de dignité. Des guerres où nos soldats ont offert leur vie, pour reprendre les mots de Thucydide, au service du monde entier. On dirait de nos jours au service des valeurs universelles.

Aujourd’hui, si nous construisons ensemble ce beau projet européen auquel nous croyons fortement, c’est parce que nous sommes unis autour de ces mêmes valeurs.

La Reine et moi sommes émus de nous trouver ici non loin de l’Acropole, dans ce lieu où ces valeurs démocratiques naquirent il y a 2.500 ans et où des hommes comme Périclès enseignèrent aux Athéniens la force et l’espoir qu’ils pouvaient tirer de leur démocratie et d’une vie vécue selon ces principes.

Dans notre monde où les valeurs démocratiques sont mises à mal et perdent du terrain, ne devons-nous pas retourner à la source et aux racines de notre civilisation et culture européenne afin de motiver les jeunes à mieux se les approprier ? Ne devrait-on pas retrouver la « Paedeia », la culture qui avait pour vocation de former l’être humain afin de devenir un citoyen responsable ?

Les anciens Grecs, vos ancêtres, nous ont appris tant de choses qui restent plus que jamais essentielles pour notre monde d’aujourd’hui :

Que la justice dans toutes ses facettes reste la première vertu tant personnelle que politique.

Que le monde que nous construisons reste de taille humaine. Que l’homme soit la « mesure de toute chose », comme le disait Protagoras.

Que dans un monde où les émotions sont toutes-puissantes et parfois sources de violences, nous gardions une confiance indéfectible en la raison. Comme l’on fait les fondateurs de la philosophie européenne - Platon et Aristote - précisément en période de crise politique.

 

Madame la Présidente,
Excellences,
Mesdames et messieurs,

Nombreux sont les Grecs qui ont fondé des diaspora actives et enrichissent les pays qui les accueillent, tout en restant très attachés à leur pays d’origine. C’est le cas en Belgique. Je salue le lien spontané de respect mutuel et d’affection authentique entre nos deux peuples et pays. Ces liens sont bien entendu historiques, nos deux pays étant devenus indépendants la même année, nous liant à jamais en tant que nations modernes. Une communauté hellénique de plus de 40.000 personnes a largement contribué au déploiement industriel de la Belgique et y reste très présente dans de multiples domaines allant de la création culturelle contemporaine au commerce et à la vie politique. L’interaction de nos pays est complétée par une implication dynamique des universités belges dans l’étude et la recherche archéologiques à divers endroits de la Grèce. Sans parler des nombreux citoyens belges qui prennent chaque année le chemin de la Grèce pour y découvrir ses trésors historiques et explorer la beauté de sa nature si diverse.

 

Madame la Présidente,

Il y a moins d’une décennie, votre pays et votre peuple ont dû faire face à une situation extrêmement difficile. Vous l’avez fait avec courage et fermeté, motivés par le choix assumé de garder la Grèce au cœur même de la construction de l’Union européenne. Cette vocation européenne de la nation hellénique se traduit par sa participation à tous les mécanismes qui nous renforcent en tant que continent, y compris notre monnaie commune. Nous sommes conscients des sacrifices qui ont été consentis à cet effet et nous avons vu avec quelles dignité et détermination vous avez surmonté les obstacles, à l’image de l’odyssée du peuple grec qui a montré tout au long de son histoire une immense résilience.

Aujourd’hui vous êtes, avec nous les Belges, parmi les plus convaincus des Européens. Nous savons que nous pouvons compter sur vous, et vous savez que vous pouvez compter sur nous. La Belgique et la Grèce sont de solides partenaires dans le projet commun d’une Europe forte et unifiée, une Europe qui construit une société de prospérité et d’ouverture, et qui se fonde sur les principes de liberté, de démocratie et de paix. Les événements récents nous ont rappelé que nous ne devons pas tenir ces fondements et ces valeurs pour acquis et que leur sauvegarde exige notre attention et nos efforts constants.

Cette visite d’Etat souligne notre volonté d’enrichir ce véritable partenariat européen entre nos deux pays. Elle nous motive à investir dans les vastes chantiers de la sécurité énergétique et du changement climatique, si intimement liés.

 

Mesdames et Messieurs,

Si la Grèce est et reste le pays d’Ulysse, c’est parce que, il y a 3.000 ans, Homère a voulu former les jeunes à l’exemple de ce héros aux qualités et vertus si humaines d’intelligence pratique, de curiosité qui l’amène à découvrir de nouveaux horizons, de détermination allant jusqu’à la résilience, de fidélité à ses valeurs. Ces qualités ont pénétré le peuple grec jusqu’aujourd’hui. Ces belles qualités nous sont familières parce que d’une certaine façon nous les partageons avec vous. Je suis confiant que l’avenir nous réserve une belle collaboration pour réaliser ensemble de nombreux projets ambitieux.

Et pour citer le poète grec et lauréat du prix Nobel Odysseas Elytis: « Le voyage semble ne devoir jamais s’achever. Et c’est heureux. ».

Dans cet esprit, je vous invite à lever votre verre à l’amitié entre la Grèce et la Belgique, ainsi qu’à la santé de la Présidente de la République hellénique.