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Discours de Sa Majesté le Roi au banquet d'État offert par Son Excellence Marcelo Rebelo de Sousa

22 octobre 2018

Monsieur le Président,

Depuis notre arrivée ce matin, la Reine et moi avons au gré de nos rencontres officielles reçu un bel aperçu de votre splendide capitale. Nous vous remercions pour votre accueil si chaleureux et les aimables paroles que vous venez de nous adresser.

Du monastère des Hiéronymites en début de journée au palais da Ajuda ce soir, en passant devant la cathédrale Santa Maria Maior, la Sé de Lisbonne, nous avons parcouru huit siècles de l’histoire du Portugal. C’est l’histoire d’un grand peuple, au caractère entreprenant et conquérant.

Tout au long de cette épopée singulière, des liens très forts ont existé entre nos deux pays. Des croisés venus notamment de nos contrées ont aidé votre premier roi Alfonso Henriques à reconquérir Lisbonne. Philippe, comte de Flandres, épousa la fille de ce roi, Mathilde. Au fil des siècles qui suivirent, nos pays ont connu les mêmes familles régnantes, qui ont continué à s’allier entre elles. J’ai moi-même du sang portugais et mon arrière-grand-mère, la Reine Elisabeth, parlait couramment votre belle langue.

Depuis longtemps le commerce maritime a relié nos grandes villes portuaires et leur a fait connaître un essor similaire. De tous temps nos populations ont entretenu des relations d’amitié et aujourd’hui encore nous accueillons chacun harmonieusement des nationaux de nos pays respectifs. Nos soldats se sont battus côte-à-côte à des moments cruciaux et ils le font encore sur divers terrains d’action aujourd’hui. En ce centième anniversaire de la fin de la première guerre mondiale, je veux ici rendre un hommage appuyé aux nombreux soldats Portugais qui ont combattu, jusqu’à donner leur vie, pour la libération de la Belgique.

Le Portugal est le visage de l’Europe tourné vers l’Occident. Ce sont les yeux de sphinx et de fatum de l’Europe. Ces mots empruntés à Pessoa expriment l’irrésistible attrait de l’océan. En voyant du ciel ce matin la mer de Paille et le majestueux pont Vasco de Gama et en observant au loin le cap de Roca, la pointe la plus occidentale du continent européen, « où la terre s’achève et la mer commence », on ne peut s’empêcher de penser à vos grands navigateurs qui, il y a cinq cents ans, ont fait reculer les limites de la terre connue. Cette omniprésence de l’océan vous a amené à vous ouvrir au monde, à vous allier à différentes cultures et à encourager l’apprentissage des langues étrangères. Elle vous inspire aujourd’hui un engagement sans failles en faveur de la préservation des océans et de l’exploitation durable des ressources naturelles

Le peuple portugais est un peuple qui allie merveilleusement courage et douceur. Tout au long de votre histoire et encore ces 50 dernières années, vous avez fait preuve d’une foi sans cesse renouvelée dans un avenir meilleur. Cette force intérieure vous a permis de gagner la démocratie, d’adhérer à l’Union européenne, d’accéder à la monnaie unique et de vous relever après la dernière crise financière mondiale. Cette force est aussi celle de vos compatriotes qui se sont adaptés et intégrés à l’extérieur de vos frontières.

Le secret de cette résilience et de ces réussites passées et futures, réside peut-être dans la « saudade », que votre grand poète Camões définissait comme « un bonheur hors du monde ». Un mélange de sagesse et d’espoir, de regret de ce que l’on a perdu ou que l’on n’a pas pu avoir, et de grandeur de l’homme qui va jusqu’à l’extrême du possible.

C’est exactement de cette force que l’Europe et le monde ont besoin aujourd’hui. Le Portugal est, depuis plus de trente ans maintenant, un membre engagé et constructif de l’Union européenne, aux avant-gardes d’un meilleur fonctionnement de l’Union et des réformes nécessaires. Portugais et Belges, nous partageons une conviction profonde quant à la communauté de valeurs entre tous les pays européens. Vos compatriotes se sont distingués et se distinguent aux plus hauts échelons de nos institutions européennes. Et c’est la même énergie lucide et positive que nous nous réjouissons de voir aujourd’hui à l’œuvre à la tête de l’Organisation des Nations Unies.

Monsieur le Président,

La Reine et moi et toute notre délégation nous réjouissons de célébrer avec vous l’amitié profonde qui unit nos deux peuples. Nous vous remercions pour le programme très riche que vous nous réservez au cours de ce voyage.

Comme l’écrivait votre illustre compatriote Saramago, « la fin d’un voyage est seulement le début d’un autre, (…). Il faut revenir sur les pas déjà faits, pour les répéter, pour tracer à côté de nouveaux chemins. Il faut recommencer le voyage. Toujours. » Notre visite d’état est une belle étape dans le cheminement séculaire et l’aventure complice entre nos deux pays. Elle rassemble toutes nos énergies pour mieux construire l’avenir. C’est avec cette conviction que je vous prie de vous lever pour un toast.

Mesdames et Messieurs,

Je vous invite à lever nos verres à la santé du Président du Portugal.